Aller au contenu principal
Abo

La guerre qui se déroule en Ukraine se prolonge dans les discours. La Russie s'emploie à légitimer son offensive, quand l'Ukraine construit l'image d'un pays uni contre l'envahisseur. Passage en revue des événements et de leur incorporation dans des récits nationaux avec Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique de la Russie à Montpellier.

 

  • Vladimir Poutine reconnaît l'indépendance des «républiques» séparatistes

    Les dirigeants de la «République populaire de Donetsk» (DNR) et de celle de Lougansk (LNR), Denis Pouchiline et Léonid Passetchnik, lancent des appels coordonnés et diffusés à la télévision russe, pour demander à Vladimir Poutine de reconnaître leur indépendance. Une demande à laquelle le président russe répondra favorablement plus tard dans la journée.

    Le dirigeant russe ne se contente pas de reconnaître l'indépendance des territoires séparatistes. Après avoir demandé à l'armée de protéger DNR et LNR, et signé des accords d'amitié avec les deux territoires, il nie l'existence de l'Ukraine en tant qu'Etat et nation lors d'une allocution télévisée.

    Commençons par le fait que l’Ukraine contemporaine a été entièrement et complètement créée par la Russie, plus exactement par la Russie communiste, bolchevique. Ce processus a commencé presque immédiatement après la Révolution de 1917, et Lénine et ses camarades ont agi de façon vraiment peu délicate avec la Russie: ils ont pris à celle-ci, lui ont arraché, une partie de ses territoires historiques.

    Ce discours contient les éléments justifiant l'invasion russe de l'Ukraine, une réécriture de l'histoire au nom de la défense des populations russophones. Dans les jours qui ont précédé cette reconnaissance, le gouvernement russe accusait le pouvoir ukrainien d'être aux mains de «nazis» et de préparer un génocide au Donbass. Ces éléments de langages émaillent depuis le discours russe sur la guerre. 

    Verbatim: la leçon d'histoire de Vladimir Poutine sur l’Ukraine
  • La Russie lance son «opération militaire spéciale»

    Bombardements et offensive russe dans les premières heures de la guerre.

    A 5h48 heure de Moscou, le chef du Kremlin annonce à la télévision le lancement d'une «opération militaire spéciale» dont l’objectif est la «démilitarisation» et la «dénazification» de l'Ukraine. Des explosions retentissent dans la capitale ukrainienne, mais aussi à Kharkiv, dans le Donbass et dans plusieurs villes ukrainiennes. Les 150 000 militaires russes massés depuis des mois aux frontières lancent l'offensive depuis la Russie, la Biélorussie, la Crimée annexée et les régions séparatistes du Donbass.

    En réaction, le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelle la population à prendre les armes et ordonne la mobilisation générale de tous les hommes âgés de18 à 60 ans. Depuis cette date, la Russie s'est toujours refusé à reconnaître qu'elle mène une guerre en Ukraine, malgré l'enlisement du conflit qui devait ne durer que quelques jours selon la stratégie de l'armée russe. 

  • Vladimir Poutine brandit la menace nucléaire

    Alors que les troupes russes se trouvent bloquées au sol, Vladimir Poutine agite la menace nucléaire pour dissuader les pays occidentaux de s'engager dans le conflit. «J'ordonne au ministre de la Défense et au chef d'état-major de mettre les forces de dissuasion de l'armée russe en régime spécial d'alerte au combat», affirme le président russe à la télévision. 

    La menace de l'utilisation d'armes nucléaires revient à plusieurs reprises dans le discours du gouvernement russe dans le premier mois du conflit avant de devenir moins marquée. «Elle a disparu des discours, mais pas des esprits des membres de l’OTAN ou de la Russie, la menace est toujours là, souligne Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique de la Russie à Montpellier. Le gouvernement russe a affirmé que l'arme nucléaire pourrait être utilisée "en cas de menace à l’existence de la Russie", c’est un terme très vague qui peut s'appliquer à beaucoup de situations.»

    Régulièrement, le pouvoir russe a laissé émerger les signes d'une possible utilisation de l'arme nucléaire avec par exemple des vols d'essai d'avions destinés à évacuer les dirigeants vers des abris anti-atomiques. «Il y a toujours un réel risque d’escalade, estime Carole Grimaud Potter. Cela transparaît avec la mise en alerte jaune de l'oblast de Koursk en Russie pour risque d'attaques terroristes provenant d’Ukraine, que ces attaques soient vraies ou pas. Il y aussi un changement dans la vision du conflit du côté russe, qui parle désormais d'opposition avec un bloc occidental et pas uniquement avec l'Ukraine.»

     

  • Première rencontre entre les négociateurs russes et ukrainiens

    Quelques jours après le début de la guerre, des pourparlers débutent entre la Russie et l’Ukraine. Les délégations des deux pays se retrouvent dans l’une des résidences d’Alexandre Loukachenko, le président biélorusse. Plusieurs rencontres ont lieu entre les représentants des deux pays en Biélorussie, puis en Turquie, mais celles-ci n'aboutissent pas. 

    «Les gains sur le terrain pèsent dans les négociations, note Carole Grimaud Potter. Les principaux points d’achoppement dans les négociations restent la Crimée et le Donbass. Mais de quel Donbass parle-t-on? L'annexion de la Crimée est une réalité depuis 2014 mais la question du Donbass est en cours. La Russie a aujourd'hui pour but d’avancer le plus possible dans cette région.»

     

  • La Suisse s'aligne sur l'UE et reprend les sanctions contre la Russie

    Après une séance extraordinaire, le Conseil fédéral reprend l’intégralité des sanctions européennes et gèle les actifs russes dans le pays avec effet immédiat. Ces sanctions financières visent notamment le président Vladimir Poutine, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le premier ministre Mikhaïl Michoustine. L’espace aérien suisse est fermé à tous les avions russes. Lors de cette annonce, Ignazio Cassis explique à plusieurs reprises que cette décision tient compte du droit de la neutralité et n'empêchera pas la Confédération de proposer son aide pour la résolution du conflit. L'absence de réaction de la Suisse avait provoqué des critiques les jours précédents.

  • Bombardements à proximité du site mémoriel de Babi Yar

    Parmi les nombreuses bombes qui s'abattent sur Kiev, une frappe vise la tour de la télévision et tue cinq civils. A proximité se trouve le site mémoriel du massacre de Babi Yar, qui abrite les corps de 34 000 Juifs tués lors de la Shoah par balles pendant la Seconde Guerre mondiale. Les autorités ukrainiennes communiquent sur le bombardement en affirmant que la Russie visait le lieu de mémoire, un acte à l'opposé du discours développé en Russie pour justifier l'invasion du pays: depuis plusieurs semaines, Moscou affirme vouloir «dénazifier» l'Ukraine et multiplie les références à la lutte contre le nazisme et à la Seconde Guerre mondiale.

    Annoncé comme détruit, le mémorial n'a en fait pas été directement touché par les missiles dont la cible prévue aurait été la tour de la télévision. Mais cet événement suscite l'indignation à travers le monde, notamment des responsables de plusieurs autres lieux de mémoire du génocide des Juifs. 

    Bombardement au mémorial de Babi Yar: «Mes ancêtres ont été fusillés et enterré…
  • La maternité et un hôpital de Marioupol sont bombardés

    Marianna Vishegirskaya se tient devant une maternité endommagée par des bombardements à Marioupol, en Ukraine, le mercredi 9 mars 2022. AP Photo/Mstyslav Chernov

    Assiégée depuis plusieurs jours par l'armée russe, la ville portuaire de Marioupol, au bord de la mer d'Azov au sud-est du pays, est massivement bombardée. Une de ces frappes détruit un hôpital pédiatrique et une maternité, blessant dix-sept membres du personnel soignant. Les images de l'évacuation de femmes enceintes font le tour du monde. L'une d'elles, où l'on voit une jeune femme blessée dénommée Marianna, marque particulièrement. Rapidement, la Russie accuse celle-ci d'être une actrice payée pour jouer le rôle d'une rescapée, s'appuyant sur son activité d'influenceuse, et affirme que les bâtiments étaient vides. Les deux établissements sont aussi accusés de servir de camp de base au régiment Azov.

    La jeune femme réapparaît une première fois quelques semaines plus tard, dans une vidéo mise en ligne début avril sur une chaîne Youtube prorusse. Dans cette vidéo, elle affirme notamment qu'il n'y a pas eu de bombardement aérien; mais un enregistrement de journalistes présents sur place laisse entendre le son d'un avion suivi de deux explosions. Elle accuse aussi les journalistes de l'agence AP d'avoir diffusé une photo d'elle sans son accord, une version également contredite par enregistrement. Quelques jours après l'attaque, elle avait d'ailleurs donné une interview à ces mêmes journalistes après avoir accouché. Certains observateurs s'interrogent sur sa liberté de parole et estiment qu'elle a pu être évacuée de force vers une zone sous contrôle russe. Cependant pour les partisans de la Russie, elle apporte la preuve que les Ukrainiens fabriqueraient de fausses informations. 

    Un mois plus tard, elle apparaît dans une autre vidéo mise en ligne par le compte Twitter de la mission de Russie à Genève, où elle dément être détenue sous la contrainte et affirme avoir librement choisi d'évacuer de Marioupol pour Donetsk. 

  • Le théâtre de Marioupol, servant d'abri à des civils, est bombardé

    Une photo prise le 4 avril de l'intérieur du théâtre de Marioupol détruit par une frappe russe. AP Photo/Alexei Alexandrov

    Le théâtre de Marioupol, qui abrite entre plusieurs centaines et plus d'un millier de civils dans ses sous-sols selon les estimations, est pris pour cible par un bombardement. Dans un premier temps, les autorités de la ville indiquent que la frappe n'a pas fait de victimes, mais quelques jours plus tard un bilan fait état d'au moins 300 morts. Des images montrent que deux jours avant le bombardement, le mot «enfants» en russe avait été inscrit sur le sol en grand tout près de l'édifice pour signaler la présence de civils. 

    Côté russe, on accuse les autorités ukrainiennes d'être elles-mêmes à l'origine de la frappe et de grossir les chiffres des victimes. «On a d'abord parlé d'un millier de morts, puis il a été dit que le bombardement n'avait pas fait de victimes, avant d'avoir finalement un bilan de trois cents morts. C’est très difficile d’avoir le chiffre exact alors que la ville est assiégée, quand un lieu comme celui-ci est bombardé on a aussi du mal a extraire les corps, souligne Carole Grimaud Potter. Mais il devient difficile de mettre en doute la parole des uns et des autres. Si vous mettez en doute la parole des Ukrainiens aujourd’hui, c’est que vous ne soutenez pas l’Ukraine.» 

     

  • Joe Biden qualifie Vladimir Poutine de «criminel de guerre»

    «Croyez-vous que Vladimir Poutine» soit un criminel de guerre?», lui demande un reporter. Oui, répond le président américain, quand certains de ses alliés européens trouvent le terme trop fort. Le président français Emmanuel Macron en fait partie, déclarant notamment: «Je veux essayer de continuer à pouvoir arrêter cette guerre et rebâtir la paix: je ne suis pas sûr que l’escalade des mots aide les choses». Réagissant aux propos de Joe Biden, le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov rétorque: «Nous considérons comme inacceptable et impardonnable une telle rhétorique du chef d'un État dont les bombes ont tué des centaines de milliers de personnes dans le monde entier».

    Le président des Etats-Unis utilisera plus tard aussi les qualificatifs de «boucher» et de «dictateur», et parlera de «génocide» pour désigner les actions de l'armée russe en Ukraine. A la fin du mois de mars, les parlements des pays Baltes ont adopté des déclarations qualifiant également de génocide les actes russes. 

    L'escalade verbale assumée de Joe Biden suscite l'embarras
  • La Russie annonce utiliser pour la première fois des missiles hypersoniques

    Moscou affirme avoir utilisé pour la première fois des missiles hypersoniques, une arme que la Russie serait la seule à maîtriser actuellement même si d'autres pays comme la Chine travaillent dessus, pour détruire un entrepôt souterrain. Ces missiles se déplacent à basse altitude à une vitesse supérieure à Mach 5 (cinq fois la vitesse du son ou au moins 6000 km/h), tout en restant manœuvrables sur la quasi-totalité de leur vol. 

    Le pouvoir russe avait déjà fait étalage de cet armement de nouvelle génération en décembre 2021, sans pour autant que l'on sache si celui-ci était opérationnel. Pendant un moment donc, la question de savoir si la Russie a bel et bien utilisé ces missiles a été débattue. «La Russie a démontré qu’elle était passée d’une guerre conventionnelle avec des troupes au sol à une tactique de bombardements, souligne Carole Grimaud Potter.  Dans ce cas, la cible était un dépôt de munition dans un ancien abri anti-atomique souterrain de l’URSS. D’après les experts militaires que j’ai pu lire, il n’y a qu’une frappe de cette catégorie-là qui aurait été capable d’atteindre cet abri. Il y a deux lectures de cet événement. Il y a un aspect pratique: c'était le seul moyen d'atteindre cet objectif, mais c'est aussi une démonstration des dernières avancées de l'armée russe.» 

     

  • L'armée russe commence à se retirer de certaines régions ukrainiennes

    Un mois après le début de la guerre, l'adjoint au chef d'état-major russe, Sergueï Roudskoï, annonce que les troupes russes vont désormais se concentrer sur la «libération» de l'est de l'Ukraine. «Les capacités de combat des forces ukrainiennes ont été réduites de manière importante, ce qui permet (...) de concentrer le gros des efforts sur l'objectif principal: la libération du Donbass», déclare-t-il lors d'un point presse. Parallèlement, les négociations russo-ukrainiennes semblent patiner. «Les positions convergent sur les points secondaires. Mais sur les principales [questions] politiques, nous faisons du surplace», affirme Vladimir Medinski, le négociateur en chef russe. Trois jours plus tard, les autorités ukrainiennes annoncent la libération de la ville d'Irpin, située dans la banlieue de la capitale ukrainienne. 

    «L’Ukraine dit avoir libéré Kiev, mais Kiev n’a jamais été occupée, c’est normal que chaque camp présente les faits comme une victoire», souligne Carole Grimaud Potter. Ce terme de «libération» revient aujourd'hui fréquemment dans les discours ukrainiens et russes. «Dans l’histoire russe telle qu’elle est présentée aujourd'hui, la Russie a libéré l’Europe de l’Est du nazisme. Quand on visite le musée de la Grande Guerre patriotique, on parle d'une libération, tandis que vu d’Europe occidentale, c’est une occupation de ces pays par l’URSS, détaille encore la professeure de géopolitique. Ce point de vue est présent aussi dans les pays d'Europe de l'Est qui disent aujourd'hui avoir été libérés du nazisme, mais occupés par l'URSS. C’est une querelle qui ne prendre jamais fin parce que ces deux historiographies sont irréconciliables.»

    Cette opposition à la vision russe de l'Histoire reste aussi très présente dans d'autres pays de l'ex-bloc soviétique, comme la Pologne. «Laisser les Russes et les Ukrainiens présenter ces événements comme une victoire chacun de leur côté pourrait permettre une sortie du conflit, estime Carole Grimaud Potter. Dans une guerre, avoir un grand vaincu n’est pas bon.»

  • L'Ukraine adopte une loi punissant la diffusion «d’informations militaires»

    Le président ukrainien Volodymyr Zelensky ratifie une loi restreignant la diffusion «d’informations militaires» pour la durée de l’état d’urgence ou la loi martiale en cours. Les images diffusées par les médias sont accusées de servir de source de renseignement aux Russes pour ajuster les frappes. Les contrevenants s’exposent à des peines allant de 3 à 12 ans de prison. Les peines maximales visent les personnes qui partageraient délibérément les positions avec l’ennemi.

    Début mai, un blogueur ukrainien partisan de la Russie est arrêté en Espagne. Kiev réclame son extradition pour trahison et propagation de fausses informations. La justice espagnole a décidé de le laisser en liberté provisoire. Depuis le début de la guerre, le gouvernement ukrainien met en avant l'effort collectif d'un pays uni contre l'envahisseur, mais certains éléments montrent des craquelures dans le récit d'un élan patriotique collectif contre la Russie.

    «Il faut bien envisager que les Ukrainiens luttent contre un ennemi commun, mais qu’une certaine partie de la population n’est pas si unie que l’on veut nous le faire croire. Il y a des témoignages qui montrent que des Ukrainiens ont pu révéler des adresses d’anciens combattants du Donbass aux forces russes, souligne Carole Grimaud Potter. Mais on ne connaît pas les circonstances de ces dénonciations, si c’est une collaboration active ou sous la pression.» Après le départ des troupes russes, une des premières femmes à avoir porté plainte pour viol contre des soldats russes fait état d'une dénonciation par d'autres habitants de sa ville, parce que son mari a participé à la guerre du Donbass. 

     

  • Volodymyr Zelensky se dit prêt à discuter d'une neutralité de l'Ukraine

    Dans une interview, Volodymyr Zelensky affirme être prêt à discuter de l'adoption d'un statut de neutralité dans le cadre d'un accord de paix avec la Russie, mais celui-ci devra être «garanti par des tiers» et être «soumis à un référendum». Mais dans le même temps le président ukrainien poursuit dans ses adresses à la population un discours de fermeté, affirmant qu'aucun pouce de terrain ne doit être cédé. 

    «L’Ukraine doit montrer qu'il est possible d'agir sur le front de la diplomatie et qu'elle est prête à cesser les combats parce que les démocraties occidentales lui offrent des armes et une aide militaire à condition qu’il y ait des discussions, souligne Carole Grimaud Potter. Côté russe, on négocie et on envoie des bombes en même temps. Après les révélations des exactions à Boutcha, à Irpin et Kramatorsk ce sera très difficile désormais de s’asseoir à la même table.»

     

  • Le monde découvre les massacres commis à Boutcha

    Après le retrait des troupes russes, les cadavres d’au moins vingt personnes portant des vêtements de civils, certaines les mains attachées dans le dos sont découverts dans une rue de Boutcha, ville au nord-ouest de Kiev. La veille, une première vidéo de victimes civiles avait été diffusée. Les soldats ukrainiens sont accompagnés de journalistes dont un reporter de l'AFP qui rapporte ces découvertes. Dans les jours qui suivent, de nombreux corps de civils sont retrouvés, parfois dans  des fosses communes, dans les localités ayant été sous contrôle russe dans la banlieue de Kiev. 

    Malgré les preuves qui s'accumulent, les autorités russes nient tout crime de guerre, affirmant que les corps retrouvés à Boutcha par exemple sont une mise en scène de l'armée ukrainienne. «Les images satellites de Boutcha sont des images qui montrent clairement la vérité, et malgré les avancées technologiques qui permettent d’identifier les exactions commises, l'armée russe nie en bloc. Et on n’en démord pas, il y a très peu de variations de la communication russe, pointe Carole Grimaud Potter. Comme lors des bombardements dans le Donbass, il y a un ping pong réthorique qui rejette la responsabilité sur les forces ukrainiennes. C’est quelque chose de très récurrent.»

    A Boutcha, «Il faut aller vite pour collecter des preuves»
  • Expulsions massives de diplomates russes

    Après la France et l'Allemagne la veille, l'Italie, l'Espagne et la Slovénie expulsent à leur tour en masse des diplomates russes, marquant une nouvelle dégradation des relations avec Moscou après la découverte de massacres imputés aux forces russes près de Kiev. En 48 heures, près de 200 diplomates russes sont expulsés d'Europe. Le Kremlin dénonce en réaction le «manque de clairvoyance» européen: «Nous le regrettons. La réduction des possibilités de communiquer au niveau diplomatique dans ces conditions difficiles» dénote un «manque de clairvoyance qui va compliquer davantage» les relations entre la Russie et l'UE, fustige le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Certains de ces diplomates sont accusés d'être des agents du renseignement russe. 

    «Pour le moment, peu de choses ont émergé des échanges diplomatiques avec la Russie, mais ces rencontres préparent le terrain pour une issue diplomatique, espère Carole Grimaud Potter. Les expulsions de diplomates ont fait un effet boule de neige, mais il faut savoir qu'il y a eu une réponse russe. Ces expulsions sont assez symboliques mais il faut quand même garder à l’esprit que cela ferme de potentielles portes de dialogue. On sait d'un côté comme de l’autre que les diplomates ont parfois un double emploi, ce n’est pas nouveau.»

    Depuis le début du conflit, sur les réseaux sociaux, les ambassades russes diffusent régulièrement des contenus destinés «à contrer la désinformation» occidentale. Plus tôt en mars, l'ambassade russe en France diffusait ainsi un dessin faisant le parallèle entre l'injection du vaccin contre le covid et «l'injection» d'idées russophobes, néonazies etc en Europe.

    «Ces massages ne sont pas inédits, rappelle Carol Grimaud Potter. Pour les comptes Twitter des ambassades russes, c’est devenu une habitude de communiquer sur le ton de la provocation, avec pour but de plaire à une certaine partie de la population européenne, comme la communication des médias RT ou de Spoutnik. La guerre en Ukraine n'a pas changé cela. Dans le contexte actuel, ces messages choquent, mais cela aurait eu lieu quelques mois auparavant, ils auraient été moins relevés.»

     

     

  • L'Ukraine coule le Moskva, un vaisseau amiral russe

    Le 13 avril, le Moskva, navire amiral de la flotte russe en mer Noire, est atteint par deux missiles ukrainiens. Le 14, les autorités russes confirment les lourds dégâts subis par le vaisseau mais affirment qu'ils sont dûs à une explosion dans les réserves de munitions, avant d'annoncer que le bâtiment a sombré. Côté ukrainien, on estime que les 500 membres d'équipage sont morts tandis que l'armée russe affirme avoir pu évacuer les soldats servant sur le Moskva. 

    «Minimiser ses propres pertes fait partie de la stratégie militaire, souligne Carole Grimaud Potter. L'état-major a fini par reconnaître de «lourdes pertes» sans pour autant divulguer des chiffres. Côté ukrainien, des pertes russes massives ont été annoncées. On parle de 15 000 soldats russes tués depuis le début de la guerre. Et côté russe, de même. Ces chiffres sont difficiles à vérifier mais des analystes militaires donnent des fourchettes qui corroborent certaines annonces ukrainiennes.»

    Le Moskva coulé en mer Noire: plus qu’une victoire symbolique
  • Prise de Marioupol

    Un jeune garçon évacué de Marioupol photographié dans un bus arrivant à Zaporijia, le 8 mai 2022. Dimitar DILKOFF/AFP

    Les autorités russes affirment avoir désormais le contrôle de la ville de Marioupol, un élément stratégique dans la réorientation de l'offensive vers l'est de l'Ukraine. La prise de la ville portuaire permet à la Russie d'envisager d'opérer une jonction territoriale entre la Crimée annexée et les «républiques» autoproclamées séparatistes du Donbass. Selon les autorités régionales ukrainiennes, le siège de la ville aurait fait plus de 20 000 morts, un chiffre encore difficile à vérifier.

    Le même jour, Vladimir Poutine indique renoncer à l'assaut contre le site industriel d'Azovstal, l'immense usine sidérurgique au bord du port qui sert de refuge à des milliers de civils mais aussi à des combattants ukrainiens. Plusieurs opérations d'évacuation ont lieu durant le mois d'avril, mais régulièrement les deux camps s'accusent de ne pas respecter les trêves. La Russie affirme également que des membres du régiment Azov présent sur place ont utilisé les civils comme boucliers humains, et plusieurs témoignages en ce sens mais difficilement vérifiables, sont diffusés sur les réseaux sociaux.

    A Marioupol, la Russie proclame une première victoire significative
  • Sergueï Lavrov reprend une thèse antisémite

    Lors d’une interview dans la presse italienne, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov déclare: «Zelensky fait valoir cet argument: comment le nazisme peut-il être présent (en Ukraine) s’il est lui-même juif. Je peux me tromper, mais Hitler avait aussi du sang juif». En reprenant la vieille rumeur de l'ascendance juive d'Hitler et l'idée antisémite que les premiers antisémites sont juifs eux-même, il s'attire les foudres d'Israël, qui jusqu'à présent s'est gardé de prendre parti. L'ambassadeur russe en Israël est convoqué.  Quelques jours plus tard, le bureau du premier ministre israélien Naftali Bennett affirme que Vladimir Poutine a présenté ses excuses pour ces propos lors d’un entretien téléphonique. Mais si le Kremlin confirme un échange dans un communiqué, aucune excuse officielle n'est mentionnée. 

    «Je ne pense pas que l’on puisse parler d’un antisémitisme latent en Russie aujourd’hui comme cela a pu être le cas pendant la période soviétique, même si la Russie s’est toujours défendue de ce fait. Il y a peut-être eu une escalade des mots dans le cadre de ce discours sur la "dénazification" de l’Ukraine martelé par la Russie depuis le début de l’invasion. Mais les propos de Lavrov sont surprenants parce que c’est un diplomate chevronné, en poste depuis 18 ans. Habituellement, il est très fidèle au discours du Kremlin et ne s’en écarte pas», souligne Carole Grimaud Potter.

  • La Russie célèbre la Victoire

    Des militaires russes défilent lors du défilé du jour de la Victoire à Moscou, le lundi 9 mai 2022, marquant le 77e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. (AP Photo/Alexander Zemlianichenko)

    Comme chaque 9 mai, la Russie célèbre, malgré la guerre en Ukraine, la victoire sur l'Allemagne nazie. Une parade militaire a lieu à Moscou en présence de Vladimir Poutine. L'occasion pour le président russe de placer l'invasion russe dans la continuité de la guerre contre le nazisme lors de son discours. Il rappelle notamment des éléments de langage développés depuis plusieurs mois selon lesquels l'Ukraine s'apprêtait à envahir le Donbass, une «terre ancestrale russe», ainsi que la Crimée annexée par Moscou en 2014, faisant un parallèle entre forces ukrainiennes et nazies, et soldats russes et soviétiques. 

    «C’est un devoir sacré de défendre la patrie», lance Vladimir Poutine, qui affirme aussi que la Russie a tenté la voie diplomatique mais que les Occidentaux et leur soutien à l'Ukraine ont précipité le conflit. Ces célébrations ont lieu alors que la Russie n'a pas remporté de victoire significative sur le terrain et continue de maintenir le silence sur ses pertes.

    «Ce défilé du 9 mai est toujours l’occasion de démontrer la puissance militaire russe, souligne Carole Grimaud Potter. On affiche ce qui constitue cette armée, qui a toujours été une des institutions les plus appréciées des Russes. Il y en a d'ailleurs peu qui sont aimées de la population, mais l’armée a toujours été placée assez haut dans l’estime des gens.»

    Lors des défilés, de nombreux spectateurs s'affichent avec le symbole Z en soutien à l'offensive russe. «En 2014, après l’annexion de la Crimée, on a beaucoup vu le ruban de Saint-Georges orange et noir lors de ces défilés, rappelle Carole Grimaud Potter. C'est un symbole du tsarisme datant de Catherine II qui a été remis au goût du jour. Ce Z, c’est le symbole de 2022. On s'est d'ailleurs longtemps demandé ce qu’il pouvait signifier. Le pouvoir est très attaché aux symboles. En fin d'année, ce sera le 100e anniversaire de la création de l'URSS, il se passera peut-être aussi quelque chose en lien avec “l'opération spéciale“ à ce moment-là.»

     

    Vladimir Poutine se dit sûr de la victoire, comme en 1945
  • La Russie supprime la limite d'âge pour s'engager dans l'armée

    Seules les personnes ayant entre 18 et 40 ans avaient jusque-là la possibilité de signer un premier contrat avec l'armée, mais le parlement supprime cette limite avec l'objectif affiché de renforcer les troupes russes. Il devient donc possible pour tout volontaire n'ayant pas atteint l'âge légal de la retraite (61,5 ans pour les hommes) de rejoindre l'armée.  «L'adoption de cette proposition de loi permettra d'attirer dans l'armée des experts de spécialités recherchées», affirme un des auteurs du texte, le député Andreï Kartapolov, cité sur le site de la Douma, la Chambre basse.

    «Au moment du 9 mai, on a beaucoup parlé d'une mobilisation générale, mais pour la Russie cela impliquerait une entrée en guerre, une ligne que le Kremlin a préféré ne pas franchir, note Carole Grimaud Potter. On reste donc le cadre d'une “opération spéciale“ avec des objectifs flous. Cela permet au pouvoir de se désengager quand il le veut, en affirmant que ceux-ci sont remplis. Le Kremlin a choisi la prudence ​​​​​en se ménageant une sortie. Cette suppression de la limite d'âge est un signe que les effectifs humains manquent dans l’armée russe et qu’elle tente, pour l’instant, d’attirer des militaires plus âgés pour se renforcer plutôt qu'opter pour une mobilisation. Ce n'est qu'une première étape. Ce qui serait intéressant c'est de savoir si cette suppression a été suivie d'engagements ou non.»

  • Vladimir Poutine rencontre des soldats russes blessés en Ukraine

    Vladimir Poutine et Sergueï Choïgou au chevet de soldats russes blessés en Ukraine. Sputnik/Mikhail Metzel/Pool

    Vladimir Poutine, accompagné du ministre de la Défense Sergueï Choïgou rend visite pour la première fois à des soldats russes blessés en Ukraine. Les images sont diffusées à la télévision. Le président russe s'entretient avec deux soldats qui ne présentent pas de blessures apparentes et leur pose des questions sur leurs villes d'origine et leur situation familiale dans ce qui s'apparente à un exercice de communication alors que les informations sur la guerre en Ukraine sont verrouillées par le pouvoir. 

    «Vladimir Poutine est obligé de calmer les questionnements de la population sur la situation. Il y a encore des familles qui continuent de chercher leurs enfants ou leur mari qui étaient à bord du Moskva [le navire russe coulé en mer Noire le 14 avril, officiellement les marins ont pu être évacués, ndlr]. Au début de la guerre, il y avait aussi des témoignages de soldats qui se retrouvaient en Ukraine sans savoir où ils étaient exactement et sans que leurs familles ne soient au courant, rappelle Carole Grimaud Potter. Ces exemples là sont connus en Russie et il y a aussi les nouvelles occidentales qui parviennent à une partie de la population. On ne peut pas nier les morts côté russe mais les derniers chiffres officiels datés de mars font toujours état de 1300 morts, bien en dessous des estimations qui parlent de 15 000 morts. Ces images de Vladimir Poutine auprès des soldats montrent qu'ils n'ont pas été accueillis avec des fleurs en Ukraine. Il y a une adaptation de la censure.» 

  • Plus de cent soldats russes sont licenciés pour avoir refusé de se battre en Ukraine

    Un tribunal militaire russe confirme le licenciement de 115 soldats de la Garde nationale, une force distincte de l'armée russe mais qui participe à la guerre, qui ont refusé de partir se battre en Ukraine. Renvoyés dans un premier temps pour cette désobéissance, ils avaient fait appel de la décision qui a été confirmée par l'instance. «On entend peu parler de ces désertions, mais il y a eu des cas de soldats qui ont refusé de se joindre aux combats ou qui ont démissionné. Des soldats ont aussi diffusé des images des défaites russes notamment dans le Nord de l'Ukraine ou ont marqué publiquement leur déception», ajoute Carole Grimaud Potter. 

    D'autres témoignages rapportés dans la presse internationale font état de soldats refusant de retourner en Ukraine après le redéploiement des troupes russes vers l'Est du pays en avril. Ces militaires mettaient en avant le fait que puisqu'il ne s'agit pas d'une guerre officiellement, mais d'une «opération spéciale», ils n'étaient pas tenus d'y participer. 

  • Severodonestk, un des verrous du Donbass, est quasiment encerclée par les forces russes

    La ville de Severodonestk est quasiment encerclée par les forces russes qui la bombardent massivement depuis des semaines. La prise de la ville permettrait aux troupes russes et leurs alliés séparatistes d'avoir le contrôle de la totalité de l'oblast de Louganks, un des deux divisions administratives du Donbass. Selon les autorités, sur les 100 000 habitants, ils ne sont plus que 12 000, et 1500 personnes sont mortes dans les affrontements. Quelques jours plus tôt, Volodymyr Zelensky reconnaissait pour la première fois que la situation était «très, très difficile» sur le front Est et que l'armée ukrainienne peinait à contenir l'avancée russe.

    «Il y a eu plusieurs changements dans le discours ukrainien. Au départ, la porte était laissée ouverte a des négociations, mais après Boutcha, il y a eu un vrai changement. Volodymyr Zelensky a déclaré qu'il ne pourrait y avoir des discussions seulement si l'Ukraine récupérait les territoires perdus depuis 2014. Le discours est devenu militaire, orienté vers la victoire, détaille Carole Grimaud Potter. On le voit au moment de la fin des combats à Azovstal. Les Ukrainiens n'ont pas parlé de reddition, mais de "mission accomplie" quand les soldats se sont rendus. On a d'ailleurs peu de nouvelles d'eux et les échanges prisonniers se font attendre.»

    Les difficultés rencontrées par les forces ukrainiennes laissent entrevoir pour la première fois un début de faiblesse dans la résistance opposée aux forces russes depuis le début de l'invasion. «Volodymyr Zelensky exclut des négociations tant que les territoires ne sont pas repris, mais il reconnaît aussi que les reconquérir par la voie militaire n'est pas possible. Le discours est devenu plus prudent, moins dans le tout militaire. Mais aujourd'hui la stratégie ukrainienne n'est pas claire, estime Carole Grimaud Potter. Il y a une contre-offensive vers le sud du pays dont on ne connaît pas l'objectif et des difficultés à l'Est. Et les Européens changent aussi de discours. Il y a le bloc Etats-Unis et Royaume-Uni qui soutiennent, avec l'Europe de l'Est, une victoire complète de l'Ukraine. Et le bloc France-Italie-Allemagne qui considère qu'une victoire ne passera pas forcément par une reconquête totale des territoires perdus. Il y a donc deux visions de fin de la guerre, parce que ce conflit aura une fin.»

     

     

  • Textes: Chams Iaz, Etienne Meyer-Vacherand.

    Images: AFP, AP.

    Off
    Off
    intro-bas intro-milieu grand