Credit Suisse: chronologie d’une descente aux enfers

Alfred Escher fonde la banque sous le nom de Schweizerische Kreditanstalt (SKA). Elle joue un rôle central dans le développement économique du pays en servant notamment à financer la construction des chemins de fer en Suisse.

Lors des résultats du premier trimestre, Credit Suisse évalue le coût de la crise des subprimes à 10 milliards de francs depuis l’été 2007. L’ardoise reste faible comparée à celle d’UBS qui aurait atteint 40 milliards et qui devra être sauvée par la Confédération et la Banque nationale. Credit Suisse accueille, elle, des investisseurs qataris pour se recapitaliser.

Credit Suisse doit payer une amende de 536 millions de dollars pour violation des sanctions américaines contre l’Iran et le Soudan entre 1995 et 2006.

Urs Rohner devient président du conseil d’administration. Il restera à cette fonction pendant 10 ans. Il a empoché plus de 40 millions de francs, mais dira qu'il est «blanc comme neige» lorsque Credit Suisse reçoit une amende aux Etats-Unis pour solder le différend fiscal. Il est secondé à la direction générale par Brady Dougan arrivé à son poste quatre ans plus tôt et qui a passé la majeure partie de sa carrière dans la banque d'investissement.

Après des années de procédures et de négociations, Credit Suisse plaide coupable d’aide à l’évasion fiscale et paie 2,6 milliards de dollars aux autorités américaines en échange d’un accord de non-poursuites.

Bruxelles inflige des amendes à plusieurs banques, dont Credit Suisse et UBS, accusées d’avoir manipulé le taux Libor. Ce taux servait de référence pour des centaines de milliards de produits financiers, à commencer par les hypothèques. Jugé finalement peu fiable puisqu’il reposait sur des estimations, il a été petit à petit remplacé par d’autres taux, dont le Saron en Suisse.

L’affaire dite des «tuna bonds» au Mozambique éclate. Des employés de la banque sont accusés d’avoir fait des prêts secrets à hauteur de 2 milliards de dollars, où eux-mêmes et des fonctionnaires mozambicains se seraient servis en pots-de-vin. Plusieurs procédures sont encore en cours et la banque est aussi sous enquête. Elle a dû payer plusieurs amendes en octobre 2021 aux autorités britanniques et américaines, pour un montant de 475 millions de dollars.

Credit Suisse doit payer une amende de 5,28 milliards de dollars dans une affaire de prêts hypothécaires aux Etats-Unis. C’est la fin de l’affaire des subprimes qui avait provoqué la crise financière de 2008-2009.

La justice genevoise condamne à de la prison un gérant de fortune de la banque pour avoir causé un dommage de 143 millions de francs au préjudice, notamment, de l’ancien premier ministre géorgien Bidzina Ivanishvili, mais aussi pour s’être enrichi de 30 millions. Plusieurs procédures sont en cours et une enquête confiée à un cabinet externe montre qu’il y a eu des déficiences dans le contrôle du risque à Credit Suisse. Il y a près d’un an, un tribunal des Bermudes a donné raison à Bidzina Ivanishvili, obligeant la banque à lui payer plus d’un demi-milliard de compensation. Elle a fait appel.

La Finma, le gendarme suisse des banques, constate des manquements dans le respect des obligations de diligence dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent en lien avec les affaires Petrobras, PDVSA et FIFA.

On découvre que Credit Suisse a fait suivre plusieurs de ses employés et ex-employés. C’est le début du scandale des filatures qui aboutira au départ de Tidjane Thiam, directeur général entre 2015 et 2020. Il sera remplacé par Thomas Gottstein, ancien directeur de l’entité suisse de l’établissement qui restera, lui, à peine deux ans à la tête de la deuxième banque suisse.

Le Ministère public de la Confédération accuse Credit Suisse dans une affaire de blanchiment et de trafic de stupéfiants d’une organisation bulgare. La banque sera condamnée en juin 2022, une première pour un établissement d’une telle taille, même si l’amende est modeste (2 millions de francs).

Credit Suisse doit suspendre des fonds comptant 10 milliards de dollars sous gestion en lien avec la société Greensill en faillite. La banque a remboursé environ les trois quarts des fonds aux clients. Du nom de son fondateur Lex Greensill, cette entité s’était spécialisée dans l’affacturage inversé, une pratique qui permet à des fournisseurs de récupérer leur dû avant l’heure. Plusieurs enquêtes et procédures sont en cours. Celle de la Finma a révélé que Credit Suisse avait gravement manqué à ses obligations prudentielles en matière de gestion des risques et d’organisation adéquate.

C’est avec la faillite retentissante du fonds spéculatif Archegos en 2021 que commence la véritable descente aux enfers de la banque. Credit Suisse était très exposé à cette société dont le fondateur avait pris des risques considérables pour maximiser ces potentiels gains. En mars, lorsque le bilan est déposé, le château de cartes s’effondre et les investisseurs ne peuvent que compter leurs pertes. Pour l’établissement bancaire suisse, elles sont énormes, atteignant 5 milliards de dollars.

Elu au printemps précédant à la présidence de Credit Suisse, le banquier portugais, ex-patron de Lloyds Antonio Horta-Osorio est contraint de démissionner. Il avait courbé à deux reprises des quarantaines liées aux mesures covid. Alors que celui-ci prêchait la probité, les révélations passent mal. Il est remplacé par Axel Lehmann, un assureur qui est aussi passé par UBS.

Ulrich Körner prend la tête de la banque. Surnommé le «couteau», il est connu pour avoir redressé UBS après la crise des subprimes. On salue son efficacité mais on lui reproche son manque de charisme. Il promet une réorganisation.

Des rumeurs enflamment les réseaux sociaux: Credit Suisse serait au bord de la faillite. La banque parvient à éteindre la crise, mais des clients commencent à quitter la banque. Ulrich Körner annonce une restructuration majeure, une réduction drastique de la banque d’investissement et l’arrivée d’un nouvel actionnaire, Saudi National Bank, qui prendra près de 10% du capital quelques semaines plus tard, lors d’une levée de fonds.

La Silicon Valley Bank fait faillite et plonge le secteur bancaire mondial dans la tourmente. Considéré comme vulnérable, Credit Suisse tangue particulièrement. Dans ce contexte, des propos du responsable de Saudi National Bank, qui n’envisage pas de soutenir davantage financièrement Credit Suisse mettent le feu aux poudres. L’intervention de la Banque nationale suisse calme le jeu. Pour une courte durée: la confiance peine à revenir et une fusion avec UBS est discutée.